Rise of the Yokai I

Monster Hunter Rise n’est plus qu’à quelques mois de nos Switchs et la hype est présente (un peu comme elle l’a été pour Cyber Punk 2077 lol). Après tout le jeu s’annonce comme si MH3rdP et MHW avaient eu un enfant, comment ne pas s’en réjouir ?
Et en tant que otaku assumé et particulièrement friand de culture et folklore japonais, votre serviteur va s’amuser à disséquer les inspirations les plus obscures du prochain opus de notre saga favorite. Et si ce n’était pas évident avec le titre, on va parler ici de yokai !



Qu’est-ce qu’un yokai ?

Etape une effectivement, définir ce qu’est un yokai. Si une première traduction brute pourrait être un monstre, le terme est un peu plus large en pratique. Un yokai est basiquement une créature, un fantôme ou un esprit expliquant un phénomène naturel que les Japonais d’autrefois ne pouvaient expliquer. L’Hikeshi baba par exemple est un yokai nocturne à l’apparence d’une vieille femme éteignant la flamme des lampes (c’est tout littéralement), expliquant pourquoi une lampe peut s’éteindre pendant la nuit. Les Yanari sont de petits yokai pénibles qui viennent dans des nouvelles maisons et pendant la nuit s’amusent à frapper sur les fondations ou les murs, créant des bruits indésirables… Ce qui correspond tout simplement aux bruits d’une maison dont les matériaux dilatés par la chaleur du jour viennent à se contracter dans le froid de la nuit. Allez expliquer ces concepts bénins pour nous à un Japonais il y a 1000 ans.


Les yokai ne sont pas non plus pour autant des démons. Ceux-ci sont même parfois considérés comme des kamis dans la religion shinto, littéralement des dieux à respecter. Les kamis sont des représentations de la nature, ils n’ont pas à être bons ou mauvais comme dans nos religions monothéistes. Les yokai sont basiquement le mauvais dans la nature par opposition à d’autres kamis qui sont vénérés et représentent le bien de celle-ci mais leur rôle peut être plus ambigu.


La période Edo (1603 à 1868) a été l’âge d’or des yokai, notamment grâce à un essor artistique important et le développement de la circulation au Japon permise par l’unification du pays par les 3 Grands Unificateurs. A Edo, l’ancienne Tokyo et alors nouvelle capitale, une tradition a émergé, le Hyakkumonogatari Kaidakan (Rassemblement de 100 histoires fantastiques). En fin août, des amis et familles se regroupaient pour une nuit où ils allumaient 100 bougies puis se racontaient des histoires de fantômes. Après chaque histoire, une bougie était éteinte et quand la dernière s’éteignait… Les yokai attaquaient ! Du coup les gens arrêtaient en général à la 99ième.
Autrefois un test de courage entre samourais, le rite s’est propagé parmi la plèbe. Et avec les échanges culturels et les voyages vers Edo, des petits contes issus de villages paumés dans les montagnes ou de régions reculées ont fini par se mêler à ces soirées.


Les artistes cherchant de nouvelles sources d’inspiration en trouvèrent des inépuisables dans ces récits de créatures mystérieuses et étranges, si bien que des recueils de yokai finirent par voir le jour comme le Gazu Hyakki Yagyo de Toriyama Sekien. Et les yokai gagnèrent lentement en popularité, devenant les sujets de livres, peintures et même de caricatures. Les conteurs commencèrent aussi à créer de nouveaux yokais afin d’entretenir le public. Avec la modernisation de l’ère Meiji et l’évolution moderne du Japon, les terrifiants yokai sont lentement devenus des figures populaires. En effet, de nombreux passionnés remirent sur le devant de la scène cette fenêtre dans le passé du Japon tel le célèbre mangaka Shigeru Mizuki et son œuvre Gegege no Kitaro, un vieux manga qui a encore un anime de nos jours ! Leur essor populaire est énorme, pouvant apparaître dans des licences variées comme Pokémon, Persona, Magic, Mario et j’en passe, sans bien sûr nommer Monster Hunter ! Bref maintenant que nous sommes à jour… Plongeons dans cet univers étrange et fascinant.



Le Tetranadon et les Kappa

Le Kappa est un yokai assez populaire et célèbre. Grands comme des enfants, ces humanoïdes batraciens verdâtres avec une carapace de tortue vivent dans les rivières, aiment les combats de sumo et sont friands de concombres en général. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des autels près des rivières au Japon où des offrandes de ces légumes sont faites, les Kappa étant considérés comme des kamis des rivières dans la croyance shinto. Leur principale particularité physique est une dépression sur le crâne qui leur permet de stocker l’eau de leur rivière, source de leurs pouvoirs.
Les Kappa font partie des rares yokai capables de parler la langue humaine. Etant particulièrement populaires, ils apparaissent dans de nombreux récits et dans des rôles variés, autant positifs que négatifs. Les mauvais Kappa n’hésitent pas à manger les humains, les noyant dans les rivières ou tentant de voler leur shirikodama, un organe renfermant l’âme humaine situé… Dans l’anus.
Si dans l’eau un kappa est inégalable, il est possible de les tromper sur terre en s’inclinant. Les Kappa étant polis, ils auront tendance à répondre par la pareille, versant l’eau de leur front. Sans cette eau, le kappa s’affaiblit, pouvant même en mourir.


Les connexions avec le Tetranadon sont assez faciles à identifier. Mettez un Kappa à 4 pattes et vous obtenez un Tetranadon. Les deux sont amateurs de sumo (notamment dans ses attaques et sa guerre de territoire avec l’Arzuros) et de concombres (des Goocumbers en l'occurence) et on retrouve une bosse sur son crâne en place et lieu de la dépression des Kappa. On peut aussi supposer que le Tetranadon peut être dégonflé si on parvient à le renverser, un peu comme le Grand Jagras, tel un sumotori vaincu ou un kappa qui aurait perdu l’eau de sa tête et perdant par la même sa puissance (peu de chances que ça lui soit fatal tout de même). Reste à espérer qu’il n’ait pas une attaque pour attraper notre shirikodama…



L’Aknosom et le Kasa obake

Le Kasa obake est un tsukumogami. Vous vous souvenez Voltorbe, Sorbouboul, Exagide ou encore Trousselin, ses pokémons que tout le monde résume par ‘les mecs y ont littéralement pris un objet mdr’ ? Ce sont des tsukumogamis. La croyance shinto considère que basiquement tout a une âme, des êtres vivants jusqu’aux objets inanimés. Si un objet est abandonné avant ses 100 ans, il risque de se réincarner en tant que tsukumogami (d’ailleurs fait amusant Voltorbe est comme par hasard le pokémon n°100 dans le dex d’origine). Et ça concerne à peu près tout. On peut citer le Seto taisho, un mini général en argenterie et porcelaine maniant les baguettes et couteaux tel un samourai, l’Oboroguruma, un chariot à bœufs doté d’un faciès humain, le Hahakigami, un balai possédé, le Biwa bokuboku, un luth japonais à corps humain se jouant tout seul et évidemment le Kasa obake.
Le Kasa obake est un parapluie chinois avec un œil guettant par un trou de sa toile et avec pour pied… Un pied humain. Ce yokai n’apparaissant pas dans de vieux récits, il pourrait avoir été inventé par des conteurs à Edo pour divertir les gens.


L’Aknosom est une wyverne aviaire semblable à un grand échassier. Il est souvent surpris sur un pied lors de ses attaques. Si cette connexion peut paraître ténue, les vrais hérons groupent leur ailes pour créer des cônes d’ombre quand ils chassent dans les rivières de sorte à tromper les poissons en leur offrant une zone de sécurité. Pendant le teaser de l’Aknosom, il a été possible de le voir prendre cette pose, notamment lors de son passage en mode rage, prenant alors son apparence d’ombrelle.
L’Aknosom a aussi dévoilé certaines attaques où il crache des boules de feu rebondissant au sol et laissant des zones de flamme. On peut y voir une référence aux Hitodama ou aux Kitsunebi, des yokais semblables à des boules de feu, mais aussi au Basan, un coq cracheur de feu.



Le Grand Izuchi et les Kama itachi

Les Kama itachi sont des yokai de montagne, semblables à des belettes avec des faux à la place des griffes. Volant avec les vents, ces ‘belettes à faux’ (littéralement) bougent si vite qu’il est impossible de les voir à l’œil nu. Elles voyagent et agissent en trio. La première fait tomber le pauvre voyageur en lui lacérant les jambes, la seconde l’entaille, pouvant aller jusqu’à lui arracher des morceaux de viande entiers et la troisième applique une salive magique, guérissant la majorité des blessures instantanément sans menacer la santé de la victime. Après l’attaque, pas une seule goutte de sang n’a coulé, la victime n’a que l’impression d’être tombé et de s’être égratignée.
Une variante régionale de ce yokai serait le Nogama, une faux abandonnée dans les champs et s’en prenant aux humains (aka un tsukumogami).


Un trio de wyvernes à crocs frappant avec des griffes semblables à des faux, on ne peut nier la ressemblance avec le Grand Izuchi et ses congénères, dotés d’une queue avec une grande griffe et de griffes en crochet sur leurs membres avant. Et si les trailers ont bien mis une chose en avant, c’est que le Grand Izuchi utilise sa meute pour faire des combos de 3 attaques. Son fusarbalète léger tire qui plus est des rafales de 3 tirs dans le trailer d’arme, autre parallèle assez évident.
Des gens pensent aussi que l’Odogaron est fortement inspiré de ce yokai. En effet, ses bruits au repos ressemblent beaucoup à ceux d’une belette plutôt qu’un chien et ses attaques rapides capables d’infliger le saignement sont très suspectes. Ses épées doubles ressemblent également à des faux.



Le Somnacanthe et les Ningyo

Les Ningyo sont basiquement l’équivalent de nos sirènes. Sauf qu’au lieu d’un charmant minois et d’une belle poitrine, les Ningyo ont des visages distordus, à mi-chemin entre l’humain et le poisson, collés sur des longs torses humains avec des doigts osseux finis par des griffes acérées, le tout avec ce qu’on peut imaginer d’écailles et de nageoires. Autant dire qu’on est plus près d’un cauchemar de thalassophobe plutôt que d’un fantasme excitant.
La chair des Ningyo serait capable d’offrir la vie éternelle et la jeunesse, en faisant les sujets de nombreuses légendes. Ceux-ci sont cependant très dangereux, étant capables de magie et pouvant maudire ceux qui tentent de leur nuire. Des légendes parlent de villages détruits par des tsunamis ou des séismes quand un pêcheur un peu trop ambitieux choisit de capturer un ningyo. Un conte célèbre se finissant positivement est l’histoire de Yao Bikuni, une jeune fille s’étant faite offrir par accident la chair d’un ningyo et ayant atteint l’âge de 800 ans.


Vous voyez le charmant minois du Somnacanthe ? Voilààà, on va pas développer plus sur le physique, la comparaison est assez évidente. Les maniements du sommeil et en théorie de la paralysie (visible sur le trailer de ses épées doubles) semble évoquer la maîtrise magique des Ningyo. Reste à voir si son armure accordera quelques talents de régénération et de soin, évoquant l’immortalité, ou des talents de statut, maudissant vos adversaires.



Le Bishaten et les Tengu

Les Tengu sont des yokais particulièrement intelligents et très populaires. Dotés d’un très long nez et d’une paire d’ailes, outre de nombreux détails aviaires basés sur les corbeaux et les corneilles (oiseaux justement réputés pour leur intelligence), ils sont sages mais aussi très dangereux, n’acceptant que la compagnie d’humains privilégiés. Ces derniers sont souvent des moines qui ont suivi le shugendo ou de grands guerriers. L’un des plus célèbres est Minamoto no Yoshitsune qui aurait été entraîné par le roi Tengu Sojobo sous son nom d’enfant Ushiwakamaru. Leur intelligence leur permet d’utiliser des outils dont notamment leur célèbre éventail en plumes, le ha-uchiwa.


C’est clairement un des monstres où la connexion est plus discrète mais ses ailes sous les bras et son bec de corbeau sont de premiers indices de la connexion entre le Bishaten et les Tengu. Il semble aussi très intelligent de par sa capacité à utiliser des fruits flashants et différents projectiles. Maintenant si on considère la ressemblance entre l’Ancien Fugen et un Bishaten, est-ce tellement improbable que les bêtes à croc l’aient élevé tel Ushiwakamaru ? Il est également nommé en japonais Bishutengo.


Le Bishaten prend aussi une autre inspiration avec le dieu guerrier Bishamonten issu de la culture bouddhiste et gardien du Nord. Il fait partie d’un groupe de 8 Dieux liés aux directions cardinales et outre le nom évident, l’arc et la morpho hache du Bishaten arborent une roue à 8 rayons hautement suspecte.



La Calamité et la Hyakki Yagyo

La Hyakki Yagyo est une procession de yokais en ère Heian qui avait lieu dans Kyoto alors capitale du Japon. Inutile de préciser qu’il valait mieux éviter ce rassemblement d’esprits maléfiques, sa seule vue étant mortelle. C’est pour cela que des mages d’état, les omnyojis, étaient chargés de prédire le prochain passage de la sinistre parade et d’évacuer la région. La procession comprenant une centaine d’esprits menés par un Nurarihyon, un esprit apparaissant comme un vieillard avec une longue tête en forme de gourde.


Si le nom français est peu évocateur, la Hyakki Yagyo se traduit littéralement par ‘parade de nuit de 100 esprits’. Et le trailer japonais parle d’une Hyakku Ryu Yagyo soit la ‘parade de nuit de 100 wyvernes’. Faut-il que j’élabore plus ? La question qui se pose maintenant est… Cette parade sera-t-elle menée par un Nurarihyon en tant que boss caché du jeu final ?



Conclusion & pour aller plus loin sur le sujet des yokai

Voilà pour ce premier article sur le folklore derrière les monstres et événements de MH Rise ! Je reviendrais certainement pour un second article quand de nouveaux monstres auront été dévoilés en plus amples détails (je n’ai simplement pas assez d’infos sur le Magnamalo et le Temnoceran teasé).

Si vous êtes curieux du sujet des yokai et souhaitez creuser un peu plus, je vous recommande en ligne la chaîne Youtube de Gaijin Goombah (en anglais) ainsi que le site Yokai.com, géré par Matthew Meyer, auteur de 4 livres sur le sujet de ces créatures fantastiques (anglais là aussi).
Côté anime et manga, la référence du genre reste Gegege no Kitaro par le légendaire Shigeru Mizuki. Un anime plus moderne a été diffusé de 2018 à 2020 pour un total de 97 épisodes. S’il est orienté en premier lieu pour des enfants, l’anime évoque aussi des thèmes assez sérieux sur la société japonaise étonnamment. Sarazanmai sorti l’an dernier a aussi des kappas pour protagonistes.
Niveau jeu vidéo, le jeu Yokai Watch évidemment est basé dessus si vous aimez Pokémon (vous pouvez d’ailleurs vous amuser à chercher les yokais dans Pokémon tel Lombre ou Farfuret qui sont justement un Kappa et un Kama itachi) ainsi que Nioh. C’est un jeu à la Dark Souls où vos ennemis sont justement des yokai en majorité et avec une certaine fidélité à leur lore (vous avez notamment des Kappa ou des Tanuki fidèles à leur légende). Le jeu a aussi un système de combat très technique et plaisant une fois bien pris en main.
Et dans notre vrai monde, c’est évidemment au Japon qu’il faudra aller (difficile en ces temps confinés je sais). Je vous recommande un temple à Kamakura près de Tokyo pour ce qui est des Tengu, le Kencho-ji, celui-ci présentant des statues superbes dans un cadre forestier agréable. Le temple accueille aussi comme par hasard une communauté de corvidés bien installée.
Il existe aussi une rue commerçante à Kyoto, la Ichijo Yokai Street. Celle-ci tient des petits marchés le week-end sur le thème des yokais, possède un musée sur le sujet, des statues de yokai et surtout tient une Hyakki Yago fin octobre, où des cosplayers de yokai se regroupent et un plus grand marché est tenu. Hors sujet, il  y a aussi une petite galerie d’origami tenue par un vieux monsieur super gentil qui se fera un plaisir de vous partager et enseigner sa passion, n’hésitez pas à y faire un tour.

Sur ce, bonne chasse à tous et à bientôt sur la future démo de Rise !