Roi des glaces

Prologue :

Toi qui entends ces paroles, méfie-toi de l'homme. Reste dans les glaces, et puisses-tu longtemps vivre en paix.
Je me réveillai en sursaut. Autour de moi, personne, à part mes parents et ma sœur. D'où venait donc cette voix?
-Que se passe-t-il, petit frère?
Apparemment, ma sœur était réveillée.
-Rien de spécial, sœurette, juste un cauchemar. Rendors-toi, ajoutai-je.
Méfie-toi de l'homme et reste dans les glaces, entendis-je une dernière fois avant de m'endormir.

Chapitre 1 : Jour de chasse :

-Aujourd'hui, première vraie leçon de chasse! s'exclama mon père, ponctuant sa tirade d'un petit cri destiné à nous encourager.
Pour notre espèce, mon père était une légende. Déjà, de part sa taille, il dépassait en longueur les neuf dixièmes des Barioths encore en vie. Ensuite, il détenait le record du nombre de combats contre les humains gagnés, cent-trente-sept. Enfin, il était le seul à s'être échappé de l'arène de la capitale humaine après y avoir été enfermé. Il avait fallu pas moins de cinquante chasseurs pour le capturer, mais mon père n'en retirait aucun mérite. Il se disait chanceux, pas puissant. La modestie était son maître mot.
-Chacun devra chasser un Bulldrome, dit-il, avant de s'étonner devant nos mines effrayées. Qu'y-a-t-il?
Ma sœur et moi nous regardâmes.
-C'est que..., commença-t-elle.
-C'est un peu dur pour débuter, non? continuai-je.
-Sachez que le monde est dur, et qu'il faut tuer pour s'en sortir. Votre mère et moi avons passé cette épreuve à votre âge, vous ferrez de même. Maintenant, allez-y.
Nous commençâmes à partir, lorsque notre père nous arrêta.
-Au fait, les Bulldromes ne se trouveront jamais dans la même zone, j'y ai veillé.
Nous repartîmes, mais notre père nous stoppa à nouveau.
-Faîtes attention. Un combat n'est jamais gagné d'avance, et un Bulldrome n'a pas la même férocité que les Baggis que vous avez chassés avant. Criez si vous êtes en danger, je viendrai vous aider.
Nous pûmes enfin partir en chasse, tandis que, derrière nous, notre père semblait plus fatigué que jamais.

Les cristaux de glace voletant au gré du vent fouettaient ma peau, et me rendaient heureux. J'étais dans mon élément, la neige et la glace le prouvaient. Mes ailes me portaient tandis que je balayais la zone de chasse qui m'était assignée du regard. Un troupeau de Popos se trouvait à l'est, je pourrai toujours y aller quand j'aurai faim... Une meute de Baggis sans chef au nord... Là! À l'ouest, cinq Bullfangos, dont trois morts, ainsi que leur chef et la carcasse du Grand Baggi, éventrée. Les Bullfangos ne posaient pas de problèmes, je pourrai les tuer sans que leur chef ne m'aperçoive. Le Bulldrome, lui, semblait très grand, sûrement mon père avait-il laissé le plus petit à ma sœur, plus jeune. Je ne me sentis soudain plus si sûr de moi. La caresse du vent sur mon visage me revigora, la neige tombant dru aussi. Me plaçant sous le vent, je descendis en douceur, puis me cachait derrière un rocher à quelques mètres des Bullfangos. Je leur bondis dessus, brisant leur nuque avec mes crocs. Ils n'avaient pas eu le temps d'appeler à l'aide leur chef. Celui-ci ne se laisserait pas abattre si facilement...

Caché dans un arbre enneigé, la couleur de mon cuir se confondant parfaitement avec la glace, je bondis sur le sanglier sous moi. Mes crocs se plantèrent dans le cuir épais de sa nuque, et n'atteignirent pas les veines. Il m'envoya voler en ruant, mais je me réceptionnai sur mes pattes après m'être retourné en l'air. La discrétion n'était plus de mise, le combat commençait.

Le Bulldrome se retourna et me chargea, charge que j'esquivai en bondissant au-dessus de ses défenses. Il se leva soudain sur deux pattes et me frappa de son ivoire. D'un coup de griffes, je détruisis l'une des défenses m'ayant frappé et ayant pénétré le cuir. Le liquide rouge coula sur ma peau, arrachant une esquisse de sourire au sanglier en face de moi. Furieux, je bondis sur son dos et griffait ses deux flancs, avant de planter mes crocs dans son cou.
Blessé, le Drome rua une nouvelle fois, et m'envoya voler très loin. Me relevant, je le vis charger à fond, le bruit de ses sabots martelant le sol était la seule chose que j'entendais. Je ne voulais pas m'envoler, je voulais le tuer. Je faisais sortir, peu à peu, la glace de ma poche ventrale. La course du sanglier continuait, il n'était qu'à une dizaine de mètres. Je relâchai alors la neige, créant une mini-tornade à l'endroit où se trouvait le Bulldrome il y a peu. Il était maintenant à terre, presque mort. Mes crocs se posèrent sur sa gorge, et je lâchai un dernier "Désolé" avant de les refermer. J'arrachai un morceau de viande à la bête, puis m'apprêtait à rentrer à la grotte lorsque j'entendis un cri puissant, que je reconnaissait parfaitement : celui de ma sœur. Sans réfléchir, je m'envolais et m'élançai vers l'origine du bruit.

Chapitre 2 : Cent-trente-huit :

Dès que je me fus élevé à une hauteur suffisante, j'accélérai afin de trouver au plus vite ma sœur. La neige semblait maintenant menaçante et me gênait, tandis que le vent semblait s'élever contre moi pour me ralentir. Les cris de ma sœur se faisaient de plus en plus proches, mais n'étaient pas assez puissants pour que notre père les entende.
Arrivé dans une plaine glacé, le spectacle me stupéfia :
Ma sœur se trouvait emprisonnée dans un filet, un Bulldrome éventré au-dehors. Quatre chasseurs se trouvaient là, armes non dégainées, et n'avait donc pas l'air de la menacer.

Avec un cri de rage destiné à attirer l'attention, je bondis sur le chasseur le plus proche, qui portait une puissante épée et réagit beaucoup plus vite que je ne le pensais. En effet, il dégaina son arme et para le coup en se retournant, avant de tenter un coup puissant que j'esquivai d'un bond en arrière. Une flèche se planta dans le cuir de mon aile gauche, brûlant quelque peu une griffe. Je me retournai vers l'archère, ainsi que vers le chasseur armé de lames doubles qui fonçait vers moi. Je crachai une boule de glace destinée à détourner l'attention, puis bondissait sur le filet, que je déchirai de mes griffes et crocs, me demandant pourquoi ma sœur ne l'avait pas fait. C'est alors que je vis la sorte de muselière qu'elle portait, et que j'arrachai en contenant ma rage.
-Merci, murmura-t-elle.
-Tu vas bien? demandai-je.
-Maintenant, oui. Tu as réussi l'épreuve?
-Oui. Toi aussi, apparemment. Maintenant, on rentre à la grotte, ordonnai-je avant de m'envoler, suivi de ma sœur.

Le trajet se passa sans aucun problème, ma sœur volant quelque peu moins vite mais moins bien que moi. Nous arrivâmes donc vite à la grotte où se trouvaient nos parents.
-Avez-vous réussi? demanda notre père en nous voyant arriver.
-Oui, mais des humains sont là, répondit ma sœur. Ils ont failli m'avoir.
Le front de notre père se plissa, tandis qu'il appelait ma mère, afin de lui présenter le problème. Cette grotte avait été choisie en raison de sa sûreté, sa découverte par des chasseurs était une catastrophe. Nos parents se devaient de la protéger.

Quelques heures plus tard, une ombre se fit voir sur un mur de la grotte. Le tir d'avertissement de mon père passa juste à côté, mais son but ne fut pas atteint. Le groupe continua à avancer, mais ils n'étaient que trois... Mes yeux se posèrent sur la silhouette armée d'un arc se faufilant par la minuscule entrée à l'arrière de la grotte, sur laquelle je crachai une boule de glace. Ma mère se retourna, se jetant sur l'archère, qui esquiva en roulant sur le côté, tandis que le chasseur aux lames doubles se jetaient sur mon père, épaulé par le chasseur à la GS. Le dernier, armé d'une lance, alla aider l'archère.

Père cracha une boule de glace sur le chasseur à la grosse épée, qui se jeta au sol, avant de donner un coup de queue au manieur de lames doubles se faufilant par derrière. Une flèche se planta dans le cuir de ma mère, qui réussit à mordre son épaule, avant de griffer le lancier qui attaquait son flanc. Voyant leurs blessures et le fait que la discrétion ait ratée, les chasseurs fuirent la grotte.
-Vous allez tous bien? demanda mon père en se tournant vers nous.
Seule ma mère avait une flèche plantée, flèche que mon père retira de ses crocs.
-Il est temps pour nous de partir, déclara-t-il.